vendredi 18 juillet 2025

Transfax

 Quand la France rêvait de télécopie haut débit

Dans les années 1980, la France tente de positionner son industrie des télécommunications à l’avant-garde mondiale. Parmi les initiatives oubliées mais ambitieuses : le projet Transfax. Retour sur ce service de télécopie haute vitesse, pensé comme révolutionnaire, mais vite dépassé.


1. De la télécopie grand public au Transfax professionnel

Tout commence dans les années 1970 avec une idée audacieuse : équiper chaque foyer français d’un télécopieur. Ce projet baptisé TGP (Télécopieur Grand Public) prévoyait la diffusion gratuite de millions d’appareils. Mais en 1978, il est abandonné, jugé irréaliste économiquement et mal accueilli politiquement (notamment par La Poste).

Transfax naît alors comme un repli stratégique vers les usages professionnels : l’idée est d’offrir un service de fax numérique à haut débit (64 kb/s, voire 2 Mb/s) aux grandes entreprises, avec des télécopieurs de groupe 4, interconnectés par un réseau spécialisé.


2. Un service techniquement avancé...

Le projet Transfax, lancé officiellement en 1980 :

  • S’appuie sur des télécopieurs haut de gamme CITEFAX 300/400/500.

  • Permet des liaisons point-à-point rapides, nationales (Paris–Lyon) et internationales (Paris–New York).

  • S’accompagne d’un système de services intégrés : accusés de réception, multidiffusion, archivage, passerelles vers le Télex ou Télétex.

Il devait incarner la vitrine technologique française, au croisement de la télécopie, des messageries électroniques et des réseaux numériques.


3. … mais un échec commercial total

Malgré les ambitions, Transfax n’a jamais décollé :

  • Très peu de clients (7 à peine en 1981) et une utilisation marginale.

  • Des pannes à répétition, des bourrages papier fréquents, une fiabilité insuffisante.

  • Un coût prohibitif : près de 100 000 francs par poste, avec une rentabilité conditionnée à l’envoi de plus de 600 pages par mois.

  • Des problèmes d’intégration dans les organisations (secrétariats réticents, non consultés, peu formés).

Résultat : le service est fermé en 1986, sans avoir dépassé le stade expérimental.


4. Comparaison avec les autres technologies : Fax, Télétex, X400

Pour mieux comprendre l’échec de Transfax, il faut le comparer à trois autres technologies de la même époque :

TechnologieObjectifRéseau utiliséSuccès ou échec ?Pourquoi ?
Fax (Groupe 3)Télécopie universelle à bas débitRéseau téléphonique (RTC)✅ Succès mondialFacile à utiliser, bon marché, compatible partout
TélétexRemplacer le Télex avec des documents textuels enrichisRéseau numérique spécialisé (Transpac, RNIS)❌ Échec relatifTrop complexe, mauvaise ergonomie, ignoré des PC
X400Créer une messagerie électronique normaliséeTranspac, réseaux OSI❌ Échec (hors EDI)Trop lourd, trop tard, concurrencé par SMTP
TransfaxTélécopie rapide pour les entreprisesLiaisons spécialisées, RNIS❌ Échec completTrop cher, peu fiable, mal adapté aux usages réels

Le Fax de groupe 3, malgré ses limites techniques, a remporté la bataille grâce à sa simplicité, son coût abordable, et sa compatibilité universelle. Les autres technologies – Transfax, Télétex, X400 – ont souffert d’un excès de sophistication, de normes contraignantes, et d’un décalage avec les besoins du terrain.


5. L’héritage de Transfax : une influence souterraine

Même si Transfax a échoué :

  • Il a donné naissance à des services comme Atlas 400 (messagerie et conversion de formats) et Viafax.

  • Il a inspiré la réflexion sur l’interconnexion des services (télécopie, messagerie, texte), au moment où l’on cherchait des systèmes « ouverts » (OSI).

  • Il montre les limites d’une stratégie technocratique, centralisée, trop éloignée des usages réels – un enseignement encore précieux aujourd’hui.


Conclusion : Transfax, ou la grandeur contrariée de la télécopie française

Transfax est un symbole typique des projets technologiques ambitieux mais déconnectés du terrain : une belle idée, trop tôt, mal exécutée, concurrencée par des solutions plus simples. À une époque où la France voulait maîtriser ses télécoms et sa bureautique, ce projet illustre aussi la tension entre innovation technologique et réalité des usages

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